Jamais elle n’aurait pensé que sa vie basculerait soudainement suite à un accident de circulation. Les souvenirs paraissent si lointains à l’époque où elle portait encore des talons, où elle pouvait galoper le long des chantiers, déjà treize années écoulées qu’il est difficile pour Larissa de faire face à sa situation de « handicap » non de mobilité réduite, car le Handicap est un terme péjoratif qu’elle refuse d’entendre, quoi que dans le jargon Camerounais on entend souvent dire que : « Mouillé, c’est mouillé, il y’a pas de mouiller sec… »
Dans sa place stratégique d’observatrice, et d’actrice, Larissa cerne désormais mieux les défis et contours auxquels sont confrontés toutes ces personnes qui vivent dans une situation pareille ou plus intense que la sienne, elle, qui doit faire face tous les jours à cette maladresse, cette ignorance vis-à-vis de l’être humain.
Il faut le vivre pour le comprendre se répète-t-elle : « Nous avons l’impression que tous les regards sont braqués sur notre physique », avec sa béquille, c’est clair qu’elle ne passe pas inaperçue, des regards « balayeurs » et «insistants», elle y fait face tous les jours, bien qu’elle en ait souffert autrefois… « C’est pénible d’affronter le public, de vaquer à ses occupations, affronter tous ces regards et écouter à longueurs de journées : yako, massa, assia. Grrrrgrr, j’en ai marre, marre d’être traitée différemment ».
Car, figurez-vous « un handicapé » est un être humain qui n’a surement pas voulu perdre sa vue, ou vivre dans un fauteuil roulant, peu importe son degré de handicap, il demeure un être humain à part entière, et il n’a pas besoin des « yako » ou des questionnements à n’en ne plus finir, il a besoin de « revivre et de redécouvrir les délices de la vie ».
Larissa a du faire recours à une préparation psychologique pour reprendre le flambeau de sa vie en main, sa mobilité réduite l’empêche certes de faire certains mouvements ou encore de porter de lourdes charges, mais ne l’empêche pas de faire de son « handicap, sa force, sa raison de vivre », c’est frustrant dit-elle, d’avoir mis du temps à accepter sa nouvelle situation et de croiser des ignorants qui vous le rappellent tous les jours, car, quand on vit une situation aussi difficile soit-elle, on finit par s’adapter, on se donne des voies et moyens pour se reconstruire. Par contre elle avoue avoir été dure par moment envers certaines personnes, car peu comprennent qu’aider c’est bien mais à la fin ça devient embarrassant…Tout le monde a besoin d’une épaule pour se reposer, reconnaît-elle, mais en aucun cas il est question de faire preuve de maladresse ou de pitié, on peut très bien compatir sans pourtant heurter la sensibilité d’une personne déjà vulnérable .
Par ailleurs, elle reconnaît qu’il existe encore des personnes civilisées qui ne s’attardent pas sur sa béquille.
Quand on lui demande comment fait-elle pour garder le cap, elle répond avec le sourire : «Je suis entourée de ma famille et de mes quelques ami(e)s qui m’ont soutenue et me soutiennent toujours pendant cette période difficile, je voudrais profiter de cette occasion pour exprimer ma profonde gratitude, j’ai failli y passer…Mais la protection divine et votre amour m’ont permis de go ahead. Parfois, il m’arrive d’avoir des moments d’égarement qui sont très significatifs pour moi, car ils me permettent de panser une blessure qui ne se refermera sans doute jamais. Néanmoins j’ai fini par comprendre que la meilleure des thérapies, c’est d’avancer, l’être humain est doté de raison, et je vis pour moi et non pour les autres…Vous pouvez compatir en contribuant au développement personnel de votre semblable, en lui redonnant le sourire, en donnant un coup de main sans pour autant faire preuve de maladresse, ou de pitié. On peut certes avancer, mais on restera toujours vulnérable, pas parce que l’on veut, mais parce que c’est une partie de notre quotidien, je terminerais avec cette citation: La vie peut nous mettre au tapis, mais c’est à nous de choisir si l’on veut ou non se relever… »